Découvrez cette semaine les 5 nouvelles gagnantes de notre concours de nouvelles n°2 organisé avec les éditions Le Livre de Poche sur le thème du rêve. On continue avec la nouvelle de Barbara DUCHET, La descente.

Il était tard dans la nuit ou tôt le matin, je n’en étais pas sûre. Cette lueur ambrée qui semblait flotter autour de moi et qui envahissait chaque recoin de la pièce rendait l’instant irréel. J’avais la sensation que quelqu’un m’observait, une étrange sensation de malaise, d’oppression. J’ouvris alors plus grand les yeux, il était là à me regarder. Depuis quand était-il là ? J’avais perdu la notion du temps, tout résonnait dans ma tête, le moindre bruit, le moindre… bruit ? Mais il n’y en avait pas ! Je tentais de faire le vide et de réfléchir, mais je n’entendais rien. Ni son, ni vent, ni murmures. Seulement lui qui m’épiait. Mais réagis ! Dis quelque chose ! Il paraissait grand. Je ne distinguais pas vraiment son visage, tout était flou, ses traits étaient distendus et sur sa tête, quelque chose comme… des cornes ? Un visage flou avec des cornes ? Puis ses yeux, que je voyais nettement, semblables à deux perles noires dans lesquelles dansaient de petites flammes rougeoyantes. Mais où étais-je ? Je commençais à paniquer, mon souffle devenait irrégulier, les battements de mon cœur s’accéléraient. J’essayais de bouger mais j’avais l’impression d’être attachée. Mais pourquoi ? Comment m’étais-je retrouvée là ? Mais quel était cet endroit ! Je tentais à nouveau de me calmer, de penser à ce qui avait pu se passer, reprendre calmement le déroulement des événements de la veille. Mais était-ce seulement la veille ? Trop de questions, TROP DE QUESTIONS ! Mes pensées étaient totalement confuses, mon corps était si lourd ! Il m’avait drogué, il n’y avait pas d’autres explications ! Mais pourquoi ? STOP ! Arrête un peu avec tes « pourquoi » ! De toute façon, personne n’était là pour me répondre. A moins que… « – Hey, HEY ! » Je n’entendais pas le son de ma voix ! Pourtant, cela semblait avoir fait réagir mon « ravisseur » car, paraissant flotter dans les airs, la masse informe de son corps se mouvait, menaçante. Comme je regrettais d’avoir crié ! « – Non, NON! » Je voulais me recroqueviller mais ne parvenais à bouger aucun de mes membres, je fermais alors les yeux, très fort. Qu’allait-il me faire ? Lorsque je les rouvris, la lumière ambrée était débarrassée de la présence malfaisante de l’individu à tête cornue. Où était-il ? Pourquoi était-il parti ? Ne recommence pas avec tes « pourquoi » ! Profite qu’il ne soit plus là, fais le vide ! Où étais-tu avant d’être ici ? Puis… des odeurs ? Je sentais quelque chose ? Non, je devais me tromper. Concentre-toi, ferme les yeux, sens ! Essaye ! A force d’efforts, je sentais enfin. Un parfum âcre se dégageait, violent mais… sucré ? Du caramel brûlé ? Non. C’était plutôt comme… du cochon grillé… ou des poils ? Les efforts que je fournissais pour réfléchir me donnaient tellement mal à la tête !

J’ouvrais de nouveau grand les yeux. Enfin, j’essayais. Mes paupières étaient lourdes, mes yeux me brûlaient, tout était flou. Je ne percevais aucun son, seulement un bourdonnement dans ma tête. Mon « geôlier » m’avait-il entendu ? Était-il parti prévenir d’autres comme lui ? Je recoupais mes informations. Une couleur ambrée, une atmosphère lourde, une forme floue aux yeux noirs, avec des cornes, une odeur âcre de cochon gril… L’enfer ? J’étais en enfer ? Arrête un peu ! Tu ne crois pas à tout ça ! L’angoisse ne faisait que s’accroître. Toutes ces questions sans réponses, personne pour m’entendre ou me secourir. J’avais l’impression d’être là depuis des heures, des jours. Je ressentais une immense chaleur autour de moi, tout était confus. J’entendis alors un son, comme étouffé, telle une grosse voix grave et sourde. Il semblait venir du démon qui revenait. Mais il n’était pas seul, deux autres s’approchaient de moi, flottant ou volant, je ne savais comment interpréter ce que je voyais. Une longue queue sortait du bas du dos de l’un d’entre eux. Je finissais par me rendre à l’évidence, j’étais en enfer. Je n’avais pourtant jamais cru à tout cela, qu’allais-je espérer maintenant, pouvais-je implorer leur clémence ? Un démon peut-il être clément ? Sois réaliste ! Je les entendais déjà se moquer de moi et rire à gorge déployée, d’un rire démoniaque comme je n’en avais entendu que dans la chanson de Michael Jackson Thriller ! Mais qu’avais-je à perdre ? Si j’étais déjà condamnée ici, je pouvais toujours pleurer, réclamer leur pardon… Qu’avais-je fait de si affreux pour mériter un tel châtiment ? Toute ma vie, je m’étais imposé des règles de conduite, d’honnêteté, de droiture. Je faisais le bien autour de moi, comment pouvais-je finir comme ça ? Je commençais donc à hurler, pleurer, j’entendais enfin un son qui sortait de ma bouche. Mes yeux me piquaient, les larmes coulaient comme de l’acide sur mes joues, me brûlant la peau. « – Aidez-moi ! Pourquoi ? POURQUOI ? » réussis-je à crier d’une voix rauque et cassée. Je voulus bouger, me secouer, tout était endolori, mais je ressentais enfin quelque chose, mes mains me piquaient ! En guise de réponse, je n’eus pas le rire démoniaque auquel je m’attendais. Une des créatures s’approcha de moi, je sentis une vive douleur sur le visage, puis une autre au creux de mon bras. Ils me portaient, je partais sur le bûcher brûler pour l’éternité, sans savoir pourquoi. Si seulement je me souvenais. Ma vie défilait, je me revoyais enfant, mes parents, ma sœur, mes amis, mes joies, mes peines… Impossible de comprendre ce que j’avais fait de mal. De fortes lumières m’agressèrent, d’autres formes floues, des bruits sourds, beaucoup d’agitation… Je ne vis plus que ses yeux, deux perles noires aux petites flammes rougeoyantes et dansantes, qui me fixaient. Je sombrais. C’était fini.

Il était tard dans la nuit ou tôt le matin, je n’en étais pas sûre. Cette lueur ambrée qui semblait flotter autour de moi et qui envahissait chaque recoin de la pièce rendait l’instant irréel. Ma tête me faisait mal, tout résonnait. J’avais la sensation d’être attachée tellement mon corps était lourd. Je tâtais avec difficulté autour de moi pour reconnaître les lieux mais tout baignait dans une atmosphère épaisse. Quel était cet endroit ?

Tout me revint par flashs, des visages flous et cornus, l’angoisse, la douleur, la fin ? Pourtant, je n’étais pas sur le bûcher. J’étais revenue à mon point de départ, est-ce que tout recommençait ? Étais-je condamnée à revivre la même journée, encore et encore ? Était-ce ça mon enfer ? Soudain, un son strident me sortit de ma torpeur, tel un hurlement. J’entendais ? Mais était-ce un cri de bête démoniaque ou celui d’un autre condamné ?

Puis un autre bruit, sourd, grave, comme une détonation. Une douleur dans mes oreilles. Le silence, suivi d’un bourdonnement. Je vis alors une forme grande et floue s’approcher de moi. Une vive douleur sur ma joue me fit reprendre mes esprits. J’ouvris alors assez grand les yeux pour distinguer, en face de moi, un homme qui semblait être vêtu d’un uniforme de pompier.

Ma vision se clarifiait ? Le masque sur le visage lui distendait les traits. Les lanières du masque, qui passaient sur le dessus de son casque luisant, faisaient penser à des petites cornes… Tout était déformé par une épaisse fumée, cette chaleur me rendait si faible ! Un incendie ? Ce son perçant, que j’entendais à nouveau, était-ce l’alarme de mon immeuble ?

L’homme voulut me prendre par la main, mais mon corps était comme inerte. Un son gras et sourd sortit de sa bouche : « – Y’A QUELQU’UN ICI ! ». Il quitta la pièce et appela du renfort. « – VITE ! AVANT QUE CA N’EXPLOSE ENCORE ! » Deux de ses collègues arrivèrent. L’un d’entre eux tirait un long tuyau qui dépassait de son dos, telle une longue queue.

Ils m’installèrent sur un brancard, posèrent une perfusion dans le creux de mon bras et me transportèrent dehors. De fortes lumières m’agressèrent, d’autres formes floues, des bruits sourds, beaucoup d’agitation… Je souriais, j’étais sauvée ! Puis je ne vis plus que ses yeux, deux perles noires aux petites flammes rougeoyantes et dansantes, qui me fixaient. Je sombrais. C’était fini ?
 

FIN

Rédigé par

Marie-Aube

Rédactrice web et print indépendante depuis plus de 10 ans, auteure et blogueuse, passionnée par l’écriture. So What ? est mon blog, engagé, féminin, créatif, drôle et sérieux.