«De si tendres liens » raconte en une série de tableaux la relation très particulière, très passionnée, étrange d’ambivalence, entre une mère et sa fille.

Le point de vue adopté est celui de la fille, depuis son enfance, en passant par l’adolescence et la jeune adulte, jusqu’à sa maturité de femme ayant elle-même des enfants.

L’autre sujet de la pièce est le temps, omniprésent, martelant ses évidences, distillant sa cruauté. Les époques se confondent, se succèdent dans le désordre, comme la montée des souvenirs d’une vie. L’enfant avide de la présence et de l’amour de sa mère est remplacée par la mère affaiblie par l’âge et la maladie, reproduisant la même demande angoissée auprès de sa fille.

La mère puis la fille sont à la fois présentes pour l’autre, et terriblement absorbées par leurs vies.  Comme si seule la frustration pouvait répondre à de telles exigences d’amour.

Les reproches de la fille s’amplifient au fur et à mesure de l’arrivée de la vie d’adulte, puis vont s’amenuiser au cours de l’inversion des rôles, lorsque la mère ressent les mêmes peurs que sa fille, enfant.

Pas tellement de tendresse entre les deux, contrairement à ce que le titre indique, mais une sorte de présence-absence au quotidien, des frustrations (oui ! maman me laissait souvent seule le soir, non !ma fille n’a pas les magnifiques yeux en amande de telle autre), une incompréhension mutuelle, mais au-delà de tout cela, la force immense de ce lien complexe. Chacune semble constamment se chercher dans l’autre, et n’en finit pas de regarder dans ce miroir.

Et puis, qu’est ce que le souvenir?  pourquoi je me souviens de cela et pas d’autre chose? pourquoi la même réalité est vécue de façon tellement différente par chacune? Pourquoi mon ressenti est si différent du tien?

Tout spectateur reconnaitra ses propres sentiments, ses doutes, avec ce texte d’une justesse exceptionnelle. Et si vous êtes fille, et mère aussi, alors vous vivrez la pièce en multi résonances !

L’auteur : Loleh Bellon (1925-1999) comédienne et auteur de pièces de théâtre.

Les actrices: 

Françoise Levesque : Charlotte, la mère.

Véronique Martin : Jeanne, la fille.

La mise en scène : Benjamin Castaneda, qui fait un miracle sur la scène du tout petit théâtre de poche Darius Milhaud dans le 19 ème arrondissement à Paris.

Benjamin Castaneda signe avec cette pièce sa troisième mise en scène, après Cinq filles couleur pêche d’Alan Ball et Manoir sous haute tension sur l’Île de Man de Katia Verba.

 On est transporté par ce spectacle sobre et élégant, et les larmes montent aux yeux plus d’une fois.

Le  spectacle se joue au théâtre Darius Milhaud les dimanches à 15h jusqu’au 9 Juin.