Nous courons toujours. Nous avons de multiples listes de tâches à accomplir. Nous accélérons le rythme de ce que nous faisons, pour réussir à tout faire. Nous sommes constamment dans l’urgence, « surbookés » disons Nous ne prenons plus le temps de faire des pauses, de flâner, de regarder la pluie tomber, ou le soleil se coucher. Qu’est ce qui pousse ainsi l’homme contemporain? A-t-il peur du repos, qui serait synonyme de mort ? A-t-il la crainte de n’avoir pas assez de temps ?Est-il avide de faire, d’ avoir, toujours plus ? Nous mettons-nous sous pression pour échapper à nos tourments, à nos interrogations existentielles ? Comment retrouver le goût de vivre les moments présents ?

 

© Julie Collet

Le temps manque

Il semble que nous trouvons un plaisir intense à cette accélération du temps.

Le temps manque, disons-nous, c’est une drôle d’expression. Car, quoi que nous fassions, de quelque manière que nous le remplissons, le temps est toujours le même. Le temps dont nous disposons est celui de notre passage sur cette terre, celui de la vie de notre corps incarnant notre psychisme. Nous n’en avons pas d’autres, nous n’en aurons jamais d’autres. Et de plus, nous ignorons totalement sur quelle durée il va s’étendre. Et nous voulons remplir ce morceau d’existence, dont nous percevons parfois la fragilité, dont nous voudrions profiter totalement. Comme si faire moins de choses, était vivre moins. Nous sommes fiers de remplir nos CV de lignes supplémentaires : voyages, stage en Chine, nous devons justifier d’avoir travaillé chaque mois de notre vie d’adulte, si un creux dans le CV apparaît, nous n’avons pas le droit de dire : « j’ai pris mon temps, je me suis cherché, j’ai contemplé ma vie, je me suis posé des questions. » Nous n’avons pas le temps pour cela, les obligations nous rattrapent bien vite, les échéances. Et le jugement des autres.

La fuite du temps

Cependant, la rapidité est tellement associée dans nos esprits à la vivacité de l’intelligence, à l’efficacité, au progrès que nous ne pouvons nous empêcher de donner à la lenteur la définition de contre performance. Au final, nous perdons la notion même du temps qui passe. Nous sommes sans cesse préoccupés par ce qui va se passer, par le temps d’après, celui du prochain rendez-vous, celui de « quand j’aurai fini ça » . Avoir le temps, c’est toujours pour plus tard. Profiter du moment c’est pour après.

On se prend à rêver d’avoir un jour une jambe cassée pour rester au lit et lire les livres qu’on n’a pas le temps de lire ou visionner la masse de DVD qui restent en plan.

Nous fuyons notre propre existence, à  agir ainsi dans l’urgence. Pour certains, il est possible d’en arriver à perdre même la conscience d’exister, les sensations, le sentiment d’avoir un corps, les émotions, tout est absorbé par cette exigence incessante: répondre aussi vite que possible à la demande.

L’individu contemporain a peur de la précarité, de la déchéance. Il n’aime pas le vide. Le désir de contrôler, de maîtriser, n’est pas étranger à cette course effrénée, qui entraîne un sentiment de toute-puissance. Plus nous courrons, plus nous pensons nous éloigner de ce qui nous fait si grand peur.

Nous apprenons tout enfant déjà à aller vite : « dépêche –toi, fais tes devoirs, après tu auras le droit de te détendre, de t’amuser. » Le plaisir après l’effort.

Un aspect positif à tout cela, est que nous ne nous ennuyons pas. Nous avons de nombreuses possibilités, et nous ne voulons pas en rater une. Nous voudrions plusieurs vies, celle-ci ne suffit pas pour accomplir tout ce que nous avons à faire. Nous avons une vision optimiste du monde, toujours à conquérir, à assimiler.

Les bienfaits du temps retrouvé

Comment résoudre cette difficulté ?

Voici plusieurs idées qui peuvent vous aider à retrouver un peu de sérénité, un peu de lenteur, de réflexion.

Apprendre à renoncer
Nous avons peur de ne pas être « la bonne épouse » «  le bon mari » « le dévoué employé » « l’assistance parfait » « celui qui porte tout sur son dos »  « L’amie sur qui on peut compter » . Nous tenons à nos étiquettes de « devoir accompli », poussé par la soif de reconnaissance qui est un moteur essentiel. Il faut donc d’abord renoncer à correspondre à l’image idéale que l’on a de soi-même, accepter de contrarier l’autre, ne pas répondre à toutes les demandes.

Apprendre à faire des choix
Et pour sortir de ces impasses, il est nécessaire de faire des choix. Faire des choix amène à se structurer, à se diriger, en créant surtout des priorités. Oser s’affirmer, créer ses priorités, dire non pour se libérer de contraintes qui peut-être n’ont pas lieu d’être.

Apprendre à se concentrer sur un but
Une autre façon d’apporter plus de concentration à sa vie, est d’avoir un but, une entreprise, un projet principal. Cela aide à se concentrer, à ne plus papillonner dans tous les sens, à donner une priorité à ce qui entre dans le projet, à avoir le sentiment de construire, et à accepter la lenteur du projet qui mûrit. Ne pas oublier le temps de la maturation. Les projets mûrissent à l’intérieur.

Regarder sa vie avec un peu de recul et d’humour
>Un spectacle humoristique mettant en scène nos travers contemporains, par exemple, peut être un bon dérivatif, et aider à prendre du recul. Rire de ses propres failles est un excellent remède. Apprendre à remettre à plus tard et à relativiser : ce que je ne fais pas aujourd’hui, je le ferai demain. Il faut savoir laisser décanter une situation, ne pas se sentir obligé de réagir de suite. Le temps apporte, avec la réflexion et la maturation, des solutions, des portes de sortie, qu’on ne voyait pas au début. Rien de construit ne se fait en un clin d’œil, en accéléré.

Accéder à plus de profondeur
Le temps accéléré oblige à rester en surface, en superficie. Le temps retrouvé est un temps de méditation, de réflexion, d’interrogations sur le sens de la vie.

Apprendre à méditer
S’accorder par exemple, un quart d’heure au minimum par jour à ne rien faire. Choisir un lieu calme, seul, ou dans la nature, ou à l’intérieur, selon les goûts et les saisons ! Le yoga peut favoriser la méditation, ou une musique relaxante, ou le silence, et l’immobilité. Une phrase à méditer peut aussi être un point de départ, pourquoi pas. A chacun de trouver sa source de méditation, de retour en soi. Prendre conscience de cette course effrénée, et ralentir un peu le rythme semblent une nécessité absolue. Ne nous oublions pas nous-mêmes, retrouvons-nous !