Arnaldur INDRIDASON

C’est le mois enneigé sur So What?, et j’ai envie de vous parler de l’auteur de polards  le plus nordique qui soit, Arnaldur Indridason.

Arnaldur Indridason en 2004 © Creative Commons

A.Indridason est islandais et écrit des romans policiers qui ont pour cadre, un décor très présent, et constituant un véritable personnage: l’hiver, (très long !) la neige, les lacs gelés, les forêts, la nature vaste et désertique qui recèle des cadavres, des disparitions et bien des mystères, entourant des maisons isolées, des villages perdus, où se déroulent parfois des évènements étranges et cruels ! De quoi déjà donner des frissons dans le dos !..

Le personnage principal, Erlendur, est un inspecteur de police, sombre et solitaire à souhait,. hanté au quotidien par sa lourde histoire. Une histoire de disparition dans une tempête de neige, justement. La disparition de son frère cadet, quand ils sont enfants, drame dont il est resté inconsolable, devenu prisonnier d’images, de questionnements sans fin, et d’une immense culpabilité, silencieuse et ravageuse.

Ce drame apparaît, en filigrane, d’un livre à l’autre, en visions fantomatiques, en souvenirs obsédants.

Erlendur est également tourmenté par la culpabilité liée à sa relation avec ses enfants, sa fille en particulier, toxicomane.

Erlendur est ainsi fasciné par les disparitions, et ne perd pas une occasion de réouvrir une enquête qui dure depuis des années, sur un homme ou une femme s’étant volatilisé, sans laisser aucune trace, comme s’il n’avait jamais existé !

Une enquête principale occupe Erlendur et deux collaborateurs, Sigurdur et Elinborg. Les trois sont attachants, nous suivons en pointillé des situations de leur vie personnelle, qui n’a rien de simple pour aucun d’entre eux.

Un individu est toujours découvert assassiné en tête du roman, S’ensuit la découverte de la vie, présente et passée, des habitudes, des tourments et obsessions de la victime, afin de chercher qui a bien pu la tuer. L’occasion pour l’auteur de décrire toutes les activités sombres et nocturnes de ce pays que nous connaissons à peine, la vie rythmée entièrement par une météorologie conditionnant tout !

Des romans noirs sur fond de blancheur neigeuse…Passionnants…

Quelques titres

L’homme du lac (un homme dormant au fond d’un lac gelé depuis 60 ans, dont le squelette affleure maintenant parce que l’eau du lac se retire! ) Hypothermie ( dans une maison isolée près d’un lac, le cadavre d’une femme pendue au bout d’une corde… ), La rivière noire (là, un homme découvert mort dans son appartement en ville, dont l’histoire, que les enquêteurs remontent fil à fil, est issue d’un village complètement perdu dans les montagnes enneigées au contexte étouffant ) La voix, le cadavre du portier d’un hôtel, qui s’avère être avoir eu une double vie, sombre et glauque, issue d’une enfance brisée

Dans ces romans, la remontée des souvenirs est toujours la clef. Tout se découvre, après avoir été enfoui pendant des dizaines d’années, à l’instar du cadavre de L’homme du lac. Par bribes, on entre dans un monde toujours tragique, dérisoire, fataliste. Des drames familiaux, des enfances mal comprises, des pathologies bien masquées, une difficulté de communication omniprésente, des problèmes relationnels entre parents et enfants sont les éléments dans lesquels baignent les enquêtes. Tout se passe comme si le recouvrement avait tellement bien fonctionné qu’il n’y a plus qu’une échappatoire : l’explosion ! le crime, la mort, qui révèle au grand jour, sous forme codée, ce qu’on avait cherché à cacher si longtemps !.

 La perte est donc un des thèmes principaux. Que reste-t-il d’un individu disparu, dans le souvenir de ceux qui restent ?

Extrait

Extrait de : La rivière noire

« – Quand lui avez-vous parlé pour la dernière fois ?

 – C’était le vendredi de sa disparition. A plus tard, m’a-t-elle dit. Ce sont les derniers mots qu’elle m’a adressés. A plus tard. C’était d’une banalité déconcertante… »

Et ce ne fut pas banal, puisque cette mère n’a jamais revu sa fille… et n’a jamais su ce qui lui était arrivé… car on n’a jamais retrouvé aucune trace d’elle.

Le temps, l’effacement du temps dans la nature hivernale, les souvenirs à déterrer, le soulagement, quand même, quand une certaine vérité émerge…

Tout est très silencieux, mais tout a envie de se dire, tout de même…