J’ai oublié ce que je voulais dire. Comment se termine ce film? J’ai totalement oublié la fin… Je suis venu chercher… quoi déjà? L’oubli nous joue de ces tours!!

 

 

Notre capacité à oublier nous permet de faire de la place !!

 
Pourtant il est nécessaire. Sans oubli, pas de mémoire car si nous retenions tout, notre capacité psychique serait saturée. Il nous serait donc impossible d’assimiler de nouvelles informations. Plus les événements s’éloignent dans le temps, plus notre possibilité de les oublier, soit totalement, soit partiellement, augmente. « Le temps efface sur le sable, les pas des amants désunis.. » Notre mémoire, avec le temps, édulcore, adoucit le passé, l’enveloppe d’opacité.

Ceci est vrai sauf pour les événements particulièrement chargés en émotion. Ceux-là se séparent en deux catégories. Les événements trop chargés en affects sont parfois carrément refoulés profondément, le moi se défendant contre leur venue au conscient, par mesure de protection (contre la souffrance liée à leur réminiscence notamment). Soit ils sont au contraire gravés, mais de deux façons différentes : ou bien le fait seul est mémorisé mais pas l’émotion ressentie lors de l’événement, ou bien l’émotion seule est en mémoire, mais le fait qui l’a générée demeure dans le flou. Par exemple, nous nous souvenons de la violence d’une dispute, mais nous avons totalement oublié son objet, ainsi que les mots prononcés.

Oui, mais en réalité, l’oubli n’est jamais total. Des traces des souvenirs existent quelque part, et les émotions refoulées, elles, n’ont de cesse de tenter de revenir au conscient, sous forme inattendue, déviée, voire envahissante. C’est ce qui est nommé « le retour du refoulé ».
 

Pour Freud, que vous commencez à connaître un peu mieux maintenant, l’oubli n’a rien à voir avec le temps.

 
« Le refoulement est une sorte d’oubli » dit-il., donc, une fonction du psychisme,  destinée à protéger le Moi contre une intrusion douloureuse ou dérangeante.

L’oubli par définition ne peut guère se décrire. C’est donc par contraste qu’on le saisit. Se souvenir avec précision d’un élément composant un événement est assorti de l’oubli d’autres éléments constitutifs du même fait. Nous faisons tous cette expérience, quand nous décrivons une anecdote.

Par ailleurs, nous savons tous que nous déformons les éléments du passé. Rien ne reste en l’état, nous retenons certains aspects que nous interprétons à notre façon, et nous oublions d’autres aspects, qui seraient peut-être en contradiction avec notre sentiment global sur l’événement.

Nous nous constituons ainsi notre Roman personnel, fait d’oublis et de mémoire, d’impression générale et de faits gravés dans le détail, de flou et de lumière plus crue.

L’oubli nous joue des tours, aussi : nous racontons une anecdote, ou un film et tout à coup, un élément important nous échappe, nous ne nous souvenons plus du dénouement….

Ou nous arrivons dans une pièce de notre appartement, à la recherche de … quoi déjà ? oublié !

Au cours d’un travail analytique, des souvenirs enfouis reviennent au conscient, comme s’ils reprenaient leur place, parmi les autres, réhabilités après avoir été quelques temps mis au rebut.
 

Témoignage

 
David : «J’ai eu pendant longtemps le sentiment d’une indifférence de la part de mon frère aîné, comme si je n’existais pas à ses yeux. Je pensais qu’il ne m’avait jamais investi comme petit frère. Jusqu’à ce que je retrouve le souvenir de ces moments où il m’aidait, enfant, à faire mes devoirs de mathématiques, où il se montrait patient, attentif et présent. J’avais totalement oublié ces souvenirs, persuadé, la vie nous ayant éloigné, que nous n’avions jamais été proches.

Je retrouve le sentiment d’avoir eu un grand frère, après l’avoir perdu. »
 

C’est à vous maintenant

 

  • Je vous propose un travail de remémoration destiné à montrer où se situe l’envers de la mémoire qu’est l’oubli.

Remontez le temps : prenez votre journée d’hier, et commencez par la fin. Le coucher, et faites revenir petit à petit les moments de cette journée, jusqu’au matin : la soirée, le retour du travail, l’après midi, la pause café, le déjeuner, la matinée, puis le matin, au petit déjeuner, et au réveil.

Prenez note de ce qui vous revient facilement, de ce que vous devez rechercher avec effort, de ce qui ne remonte pas à votre mémoire : pas facile, n’est ce pas ? et pourtant, il s’agit de la journée d’hier, la plus récente !

  • Pensez aux périodes d’âge où vous avez le moins de souvenirs. pourquoi à votre avis ? qu’est ce qui explique que votre psychisme ait laissé telle ou telle zone de votre vie passée dans l’ombre, comme si l’inconscient avait « avalé » toute la substance de vie de cette période ?

Cela s’explique-t-il par le fait que cette période est sans aspérités, sans saveur particulière, un peu triste même ? ou parce que c’est une période chargée en vécus difficiles sur lesquels il vous serait pénible de revenir ?

En général, il existe une amnésie infantile qui englobe toute la période d’avant 7 ou 8 ans. Les conflits psychiques de la petite enfance sont refoulés dans l’inconscient et sont souvent très difficiles d’accès.

  • Prenez un événement du passé, vécu à deux. Décrivez cet événement, dans son déroulement, avec les détails restés dans votre mémoire et vos émotions ressenties. Puis demandez à la personne avec qui l’événement a eu lieu, d’en faire autant.

Et ensuite comparez les deux histoires. Sont-ce les mêmes ? Quelles sont les différences ? Les points communs ? Qu’aviez vous oublié ? Qu’est ce que votre partenaire avait oublié ?

 

 (Photo: © Tatar – Fotolia.com)