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La crise économique et sociale et plus profondément la crise morale que nous traversons en ce début du XXIème siècle nous incite de plus en plus à colorer notre quotidien comme pour conjurer le sort de la morosité ambiante. On associe les saisons à des couleurs, au renouveau d’une femme qui se teint les cheveux, aux émotions… La couleur peut être aussi au service de la morale et de l’éducation comme en témoigne la journée mondiale du coloriage destinée aux enfants pour les sensibiliser à la solidarité.

Et paradoxalement la couleur peut aussi cristalliser nos oppositions. Le rouge et le jaune pour le fast-food dont on connaît trop bien le caractère antinomique avec la gastronomie, le rose pour la communauté homosexuelle qui est également un champ d’opposition entre les pour et les contre au mariage gay, etc.

La couleur est devenue au fil des siècles un élément central érigé en véritable dogme dont sa symbolique, son message, dépend de son objectif. Le marketing l’a bien compris et en use et en abuse au quotidien.

poster_65034Dans son ouvrage Bleu, Histoire d’une couleur, Michel Pastoureau illustre que le XXème siècle fut marqué par le bleu : « Le bleu n’agresse pas, ne transgresse rien; il sécurise et rassemble. Les grands organismes internationaux ne s’y sont pas trompés qui tous ont choisi le bleu pour couleur emblématique ». Le bleu représente aussi le froid, le calme (l’horizon azuré, l’eau…). « Froid comme nos sociétés occidentales contemporaines dont le bleu est à la fois l’emblème, le symbole et la couleur préférée ». Le bleu représente également l’emblématique jean venu des États-Unis. Vêtement devenu ultra populaire et complètement démocratisé au cours du XXème siècle. Le bleu est devenu un représentant vestimentaire de la décontraction et du passe-partout. Le bleu comme couleur neutre est en partie transporté par la volonté de paix après la Seconde Guerre mondiale. Les Casques bleus de l’ONU en sont un symbole fort. Le bleu est la paix et le froid. Comme le fut la période de la guerre froide, comme l’est la tangente individualiste de notre société, elle qui est relativement froide et calme. Froide comme la Technologie, l’Administration. Le bleu fut l’élément symbolique d’une ère nouvelle où on n’agresse pas, on ne transgresse pas. Ne dit-on pas d’une personne gentille, calme et romantique qu’elle est « fleur bleue » ?

Du rouge pour les empereurs de Rome aux rois du Moyen-Age, du blanc pour les nobles d’esprits, la couleur est bien plus qu’une symbolique marketing. Bien que Coca-Cola ait donné le rouge au Père Noël, que Mc Do ait donné le jaune au hamburger, les couleurs n’ont de sens que ce que l’on veut bien en donner.

La couleur demeure un champ expérimental en perpétuel renouveau. Bien plus qu’une note esthétique, la couleur transporte une émotion, un état de fait, une idée.

Après les attentats du 11 septembre 2001, et d’un point de vue politique, le vert est devenu la couleur de l’ennemi de l’Occident. Le vert étant traditionnellement la couleur de l’Islam. Il n’est pas question d’évoquer la religion en tant que telle mais d’évoquer le vert en tant que message. Le vert a de multiples facettes : l’espoir, le destin, la religion, le porte-malheur (chez les artistes), la santé, le hasard, le fantastique (lutins, martiens, super-héros…) et bien sûr l’environnement. Alors lorsque nous évoquons quelle couleur pourrait bien porter en grande partie le XXIème siècle le vert demeure en pôle position. Pourquoi ?

 

Une couleur polymorphe

Le vert revêt bien des symboles dans nos esprits. Le premier symbole qui nous vient aujourd’hui est sûrement écologique. Et comme le souligne parfaitement Michel Pastoureau dans son livre, Vert, Histoire d’une couleur, «De nos jours, cette quête de verdure a pris une ampleur considérable, non seulement sur le plan sanitaire mais aussi sur le plan civique : toute ville se doit d’étendre ses espaces verts ». Le vert a donc une mission hautement prioritaire. Ce qui demeure tout à fait intéressant dans cette trajectoire c’est que nous pouvons faire le lien entre deux symboliques qui aujourd’hui nous paraissent d’une évidence incontestable : le vert, traditionnellement couleur du destin et de l’espoir prend tout son sens à l’heure où notre avenir passe par la préservation de notre environnement. Le vert, couleur de l’espoir, nous oblige à reconsidérer la nature qui soutient nos vies. Le caractère polymorphe du vert lui donnerait alors le titre honorifique de couleur de la vie ? Le vert transporte tant d’émotions et d’états de faits dans notre inconscient, et encore plus aujourd’hui à l’heure de la crise et des enjeux écologiques, que cette couleur se hisse en véritable support de trajectoire du XXIème siècle. Et comme l’affirme Michel Pastoureau, plus qu’un pigment, une couleur est d’abord une idée.

In fine, ce n’est pas un hasard que le vert soit aujourd’hui une couleur omniprésente dans notre époque, et ce à bien des niveaux transgressifs, puisque par nature le vert est une couleur instable et très difficile à fixer chimiquement. Notre XXIème siècle n’est-il pas également rebelle et instable ?

BL

Rédigé par

Bruno

De formation Science politique à l'niversité Jean Moulin Lyon III, je me suis lancé dans le secteur de la communication. Après avoir été rédacteur de communication (books) pour Indianapolis Studio (Lyon) en intervenant externe. Durant plus de 3 ans j'ai assuré la gestion de communauté sur le web (orange, france télévision...) puis évolué en tant que Community Manager (CDT du Tarn, Magazine Tendance Santé, Mutuelle Santé Vie...) au sein d'Atchik Services sur Toulouse. Aujourd'hui je m'engage et participe à la belle aventure du magazine So What.