Docteur GLAS  de Hjalmar Söderberg, adapté par John Paval, à la manufacture des Abbesses, Paris 18 ème

La pièce nous plonge dans l’univers conventionnel de la bourgeoisie début de siècle dernier (1905) en Suède, mais ce pourrait être ailleurs.

Sous couvert de moralisme et  de préceptes religieux, des vies brisées se cachent. Nous entrevoyons ces drames par le regard d’un médecin de Stockholm, solitaire, observateur lucide et sans illusion du comportement, des hypocrisies et des passions de ses patients.

Il est le seul à qui on peut confier des secrets, et les femmes ne s’en privent pas, isolées par le corsetage moral et l’obligation de soumission aux normes sociales.

Tout se déroule ainsi depuis longtemps dans la vie du docteur Glas, tourmenté par l’impossibilité d’agir au risque de sa réputation : ainsi, il refuse « d’aider » une jeune fille enceinte, à la suite d’une liaison avec un jeune homme pauvre, dont sa famille aisée ne voudra pas. il s’en veut et s’en voudra de plus en plus au fil de la pièce.

En effet, apparaît dans sa vie Helga, jeune  femme d’un pasteur plus âgé qu’elle, qu’il fréquente un peu. Helga est désespérée, obligée de subir un mari qu’elle n’aime pas et  n’a jamais aimé,  en étant adultère car elle vit une histoire d’amour avec un autre.

La rencontre avec Helga va petit à petit bouleverser la vie du docteur Glas, l’amener à révéler une part de lui, et à commettre un acte démesuré, semblant ainsi réparer toutes les injustices et les malheurs dont il n’a pu être que témoin jusque là. Il s’identifie complètement à la jeune femme, jusqu’à prendre une décision folle : Il agit contre la morale. Son action le libère.

Mais…

La condition des femmes, l’amour, le désir, la liberté, le désespoir, la rencontre impossible, tels sont quelques un des thèmes de cette pièce, qui résonne bien en chacun de nous, malgré un contexte social qui semble différent.

« je suis là pour être écrasée » dit Helga.

« La vie n’a pas voulu de moi » dit le docteur Glas.

Les acteurs sont remarquables, on est saisi par l’émotion et la force du texte, grâce aux acteurs très justes tous les deux.

JOHN PAVAL met toute sa passion sincère dans le personnage du docteur Glas, qui nous touche par ses hésitations, ses tourments, sa peur de manquer d’héroïsme, le regard sur sa vie, son humanité profonde. Avec le petit accent américain plein de charme.

Sofia Maria EFRAIMSSON , actrice suédoise, très convaincante aussi, donne au personnage une présence  plus intérieure, tout aussi forte. Et avec un accent suédois, qui  apporte une touche supplémentaire de proximité avec l’univers de l’auteur.

Le rythme de ce spectacle est parfait, la mise en scène sobre. Nous sommes dans le cabinet de ce médecin, zone de confidences intimes, de compréhension sans jugement.  Point n’est besoin d’en faire plus.

La mise en scène est d’Hélène DARCHE

L’auteur : HJALMAR SÖDERBERG,  a été obligé de s’exiler, en 1907, pour vivre hors de son pays, suite à ses écrits. En effet, les sujets tabous qu’il aborde avec une grande liberté pour l’époque, engendrent d’énormes controverses.

« Docteur Glas » est une de ses pièces les plus connues. Le personnage du docteur Glas, on le sent, émet des propos qui reflètent la pensée de l’auteur Les sujets sont abordés avec un grand amour de l’humain, et une sensibilité à la souffrance. Que ce soit la sexualité, le mariage, la religion,  la mort, le suicide, l’eugénisme, l’avortement, la prostitution. Le personnage du pasteur, dans la pièce, contient en lui tout ce contre quoi l’auteur s’insurge : l’hypocrisie et la suffisance, l’indifférence égoïste au sort de l’autre.

La manufactures des abbesses est un adorable théâtre, très confortable, à la programmation excellente.

La pièce se joue en ce moment jusqu’au 27 octobre 2013.

A noter que cette pièce a été jouée en 2011 2012 et 2013 au festival off d’Avignon, et a reçu à ces occasions, chaque année, le « coup de cœur » du public.