La petite sauvage - Jean Zimmerman

Hugo Delegate, jeune fils, fragile psychiquement, d’une richissime famille new-yorkaise de la fin du XIXème siècle, est peut-être l’assassin d’un de ses amis. En effet, Hugo a été découvert près du cadavre de celui-ci, hébété et ne se souvenant de rien. Il est alors entendu par ses avocats et le roman est le récit de sa vie depuis un an, c’est-à-dire depuis la découverte par lui et sa famille d’une jeune fille dans un cabaret sordide de Virginia dans le Nevada, montagnes où se bousculent jusqu’à la folie, les chercheurs de pépites de l’époque.

« Virginia – les gens du coin avaient abandonné le city – était une ville qui rendait fou. Il y a un trou dans le cœur humain… Un trou profond et froid et qui ne peut jamais être rempli. Sauf par de l’or. »

La jeune fille est appelée la petite sauvage car elle a été enlevée enfant par des Comanches puis, sa tribu décimée, vit seule dans la forêt avec des jaguars. Elle sera ensuite à nouveau enlevée et vendue comme attraction.

Les parents de Hugo décident de l’adopter, de l’éduquer pour la rendre présentable dans la haute société new-yorkaise, afin de prouver que l’état de civilisation est supérieur à l’état dit « sauvage ».

La jeune fille exerce une grande fascination sur tout son entourage, et au-delà.

Hugo est complètement captivé par elle. Elle se familiarise avec sa nouvelle vie, mais reste détachée , habitée par un ailleurs en elle.

Tout au long du récit, de terribles meurtres ritualisés déciment presque tous les hommes qui approchent la petite sauvage. Hugo ne sait pas quoi penser : est-ce lui-même, car il est chaque fois presque témoin du meurtre, dans un état de demi-conscience, quasi hallucinatoire ? ou est-ce elle, ayant gardé de son ancienne vie de sauvage un goût pour la cruauté et le sang ? (Réduisant à néant l’idéologie paternelle consistant à penser qu’on peut élever un petit sauvage et le sauver définitivement de son état.)

On ne saura qu’à la toute fin ce qui se passait réellement.

La petite sauvage
Jean Zimmerman
Éditions 10/18
Paru le 17 septembre 2015
600 pages
9,10€

 
Jean Zimmerman : écrivain, historienne, et poétesse américaine née en 1957, a écrit ouvrages et romans plongeant dans l’histoire et les racines de la création de New-York, notamment des portraits de femmes pionnières.

Son précédent roman : Le maître des orphelins a connu un grand succès.

 
L’atmosphère du roman est étrange, baroque. L’évocation des excès et l’aspect convenu du milieu ultra bourgeois new-yorkais vont presque jusqu’à l’écœurement. L’argent est roi, et on le sent maître de tout et de tous. Mais les fortunes se défont et c’est l’effondrement, avec une rapidité extrême.

L’intrigue passe presque au second plan. Les personnages, Hugo, narrateur désabusé et aux idées noires, la jeune Comanche et son mystère, l’atmosphère de cette société sont les véritables ressorts du roman.…

Quelques extraits :

« Il existe dans l’esprit humain un niveau très profond où homicide et suicide ne sont qu’une seule et même chose. »

« Pauvre de moi !un vague souvenir vint tourmenter un coin de mon esprit. J’avais vu des choses terribles. J’avais fait des choses terribles. »

« L’on aurait pu me dire que cette créature descendait tout droit du paradis, ou qu’on l’avait envoyée de l’enfer, cela n’aurait rien changé : j’aurais toujours ressenti la nécessité de m’éloigner d’elle à toutes jambes, ou bien de la sauver. »