Chapitre V

Une grossesse fantôme

A partir du moment où j’avais lu les résultats de mon test, mon cerveau s’était mis sur un nouveau mode : le mode « enceinte »… Toutes mes pensées revenaient toujours à ce petit bout qui grandissait dans mon ventre, tous mes questionnements se tournaient vers lui. Je n’étais plus, juste une femme, j’étais une femme enceinte.

 Malgré l’entrée dans ce nouveau clan avec joie et bonheur, les premiers mois ce sont avérés être difficile à vivre. En effet, seul les symptômes désagréables de la grossesse me confirmaient mon état. Mais comment se réjouir réellement de cette « chose » que l’on ne voit pas et que l’on ne connaît même pas ?

Le plus frustrant a été de ne pouvoir mettre quelque chose de concret sur ce petit être dans mon ventre. A part ma feuille d’examens, je n’avais rien… Ma gynécologue étant un peu à l’ancienne et n’avait pas de machine échographique…(il fallait vraiment que je change rapidement !). La première échographie officielle était donc programmée pour les trois mois de grossesse, l’attente allait être très longue !

Comment attendre aussi longtemps ? Trois mois pour être sûre et enfin me réjouir et le crier à la terre entière ? C’était un supplice !

Les deux premiers mois ont été pour moi les plus éprouvants, je n’arrivais pas à me réjouir de ce qui m’arrivait. Premièrement, j’étais tout le temps poursuivie par cette angoisse de la fausse couche. Quelle idée aussi de dire sans cesse aux femmes que les trois premiers mois sont les plus fragiles et les plus risqués alors que nous sommes à la pointe de notre anxiété ? Et ensuite, physiquement, je commençais à vivre les symptômes les plus désagréables d’une grossesse.

J’avais des nausées constamment, toute la journée. J’avais des crampes aux ventres. J’étais épuisée. J’étais faible. Je n’arrivais plus à me nourrir. Je dormais toute la journée. C’était donc cela les joies de la grossesse ? J’avais l’impression que l’on m’avait menti toute ma vie ! Pourquoi les femmes n’avouent jamais qu’une grossesse peut juste être un enfer ? Où sont les articles de journaux annonçant ce calvaire ? Où sont les livres décrivant ces chemins de l’horreur ? Je voulais faire un procès à toutes ces femmes s’affichant avec leur sourire de Madone pendant leur grossesse ! Je les haïssais.

Menteuses ! Traitresses !

Toutes ces femmes qui affirment que leur grossesse était le moment le plus heureux de leur vie, où elles se sont senties les plus épanouies et blablabla… Mais quelle vie de M…. elle devaient vivre AVANT !!!

J’avoue, j’étais un peu en colère…

Mais comprenez, je ne pouvais plus sortir, j’annulais tous mes rendez-vous et sorties parce que j’étais « malade ». J’ai perdu quatre kilos en trois semaines, je ne pouvais plus rien avaler, même un verre d’eau était source de nausée ! Qui aurait pu croire qu’une grossesse était le régime idéal ? Ouste Dukan ! Je lance le régime gastro/grossesse ! Super efficace pour perdre tous vos kilos en trop ! Je ne pensais pas un jour pouvoir me plaindre de la perte de mes kilos… Au moins, c’était déjà ça de moins à tous les kilos qui m’attendaient pendant neuf mois…

En gros, je n’étais pas enceinte, j’étais malade…

Comment penser autrement quand vous ne voyez pas votre bébé dans votre ventre, que votre corps maigrit au lieu de grossir et que vous n’avez qu’une seule envie, courir aux toilettes ? Et en plus en faisant doucement pour ne pas éveiller les soupçons…

Et oui, l’autre grand problème c’est que l’on n’est pas censé annoncer sa grossesse avant le troisième mois ! Mais comment fait-on pour le cacher quand on est malade toute la journée avec un teint tirant au verdâtre ? Mes amis commençaient à se demander si je n’avais pas une maladie grave ! C’était tout juste impossible !

Avec Roudoudou nous avions donc décidé de mettre à bas cette règle stupide des trois mois et de dire à nos proches à chaque fois que nous les voyions la bonne nouvelle. Encore fallait-il les voir, vu que mes sorties étaient assez restreintes… Nous nous disions, s’il devait arriver quelque chose au fœtus pendant ces trois mois, nous préférions le partager avec nos amis, donc autant leur annoncer la nouvelle sans plus tarder !

Cette décision fut pour moi un vrai soulagement ! Cela me permettait enfin de concrétiser cette grossesse et ce bébé à venir. Je n’étais plus seule dans le brouillard de la grossesse, j’attendais vraiment un enfant !

A chaque fois que je partageais cette nouvelle, ma grossesse prenait forme.

 

Alice Malet

Illustration : Estelle Valls de Gomis