Grasshopper Manufacture – PS3/Xbox 360 – Disponible depuis le 15 juin 2012 en France

On ne l’y reprendra pas deux fois le père Suda. Parce qu’après le four retentissant enregistré par son Shadows of the Damned l’année dernière, et alors que ce titre affichait un pedigree de luxe et un clone séduisant de Benicio Del Toro, le papa de No More Heroes a choisi de se rabattre sur des thèmes plus vendeurs pour son nouveau jeu. On conserve la violence en exacerbant le côté gore, on rajoute des gros mots et on accentue la sensualité au risque d’aller taper dans le graveleux. Et pour ne pas faire les choses à moitié, l’héroïne portera une jupette et affichera une attirance particulière envers les sucettes. Bon, avec tout ça, normalement, on devrait pouvoir aller titiller les scores de vente de Call of Duty, non ?

Pour convaincre le joueur d’acheter le jeu qu’il aura pu essayer quinze minutes durant, tout commence dans la chambre d’une Juliet Starling lascive, avec un plan osé sur l’une de ses cuisses et la belle pom-pom girl qui nous apprend qu’elle vient tout juste d’avoir 18 ans (un souci de moins). Ce soir sera un grand soir car elle présentera son petit-ami Nick à ses parents. Elle espère juste que celui-ci ne sera pas trop effrayé de certaines habitudes familiales. Manque de pot sauf pour les scénaristes, en se rendant à son lycée, des zombies sortis d’on ne sait où envahissent les lieux et Juliet craint alors pour la vie de son boyfriend, en plus de se demander si sa fête d’anniversaire aura finalement bien lieu. Il va falloir castagner pour s’en assurer, il était temps.

Lollipop Chainsaw est un jeu qui pressent les pensées perverses du joueur (généralement mâle), et en même temps, les suggestions olé-olé ne manqueront pas, pour lui donner finalement envie de taper dès la fin de ses parties des associations de mots scandaleuses sur un célèbre moteur de recherche. On nous interdira même de jeter un œil intéressé sous la jupe de Juliet pendant que nous remuerons la caméra à l’aide du stick droit. Mais c’est apparemment possible car y parvenir débloque un Trophée. C’est parfois moche, un homme.

Lollipop Chainsaw se présente dès son premier quart d’heure comme étant dans la parfaite continuité des précédentes productions de Grasshopper (Sine Mora mis à part) : de la série B à forte tendance Z comme le développeur nippon sait si bien en faire. Ne vous triturez donc pas la tête à essayer de comprendre pourquoi Juliet transporte avec elle une tronçonneuse qu’elle sort au moment où des zombies attaquent son école. Ni pourquoi ces mêmes zombies ont de la monnaie sur eux et meurent dans une effusion de couleurs. Et si tout ceci n’est pas encore en mesure de vous choquer, attendez le moment où la belle tranchera la tête de son petit-ami pour l’accrocher à sa taille. A moins d’être sous l’effet de substances illicites en permanence, vous devriez alors parfaitement comprendre que Lollipop Chainsaw prend place dans un monde à part/déjanté à l’identité bien marquée.

Pendant tout le jeu, vous serez assaillis de zombies divers et variés, mais Juliet aura de quoi les renvoyer chez tous les éditeurs en panne d’inspiration grâce à ses pompons et sa tronçonneuse couteau suisse. Avec les premiers, elle pourra étourdir les zombies pour les achever tel un bon bucheron avec son joujou particulièrement handicapant. Au singulier, c’est sympa, marrant et tout quand on trouve les bons combos, mais il sera bien plus jouissif de faire tomber les ennemis dès lors qu’ils se rassembleront en bande. Car en effet, à partir de trois zombies « tués » simultanément, vous déclencherez une « Boucherie Strass » qui vous rapportera des médailles d’or et d’argent, la monnaie du jeu. Et bien évidemment, plus les zombies seront nombreux à se faire découper par vos soins en groupe, et plus les médailles pleuvront sur votre tête blonde. Cette mécanique représente d’ailleurs un bon moyen de rallonger la durée de vie du jeu, car les meilleures améliorations et techniques ainsi que les tenues les plus affriolantes ne seront accessibles qu’en échange d’un nombre conséquent de médailles. Le voyeurisme, ça se mérite mes enfants.


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Si vous avez joué à No More Heroes et Shadows of the Damned, le programme de Lollipop Chainsaw vous apparaîtra relativement classique. Mais pour les autres, quelles joyeuses surprises que de s’essayer, entre deux séances d’autographes sanglantes, à une partie de basket-ball zombie, puis une autre de baseball zombie, pour ensuite dégommer du mort-vivant à la pelle dans une moissonneuse batteuse qui n’attendait que vous pour vibrer. Le jeu ne se prive pas de varier les plaisirs, et les boss (au nombre de cinq) concluront de manière déjantée chaque niveau. Vous devrez d’ailleurs vous y reprendre à plus d’une fois pour les achever, paroles de poignets endoloris.

Jusque-là, c’est très bien, mais on est toujours dans l’inconnu avec ce genre de jeu. Même avec ces qualités, est-il long, répétitif, beau ? Commençons par l’aspect graphique de Lollipop Chainsaw. Le parti pris visuel est très réussi, avec ce cel-shading en 3D d’un autre genre qui nous permet d’admirer des personnages au caractère fort et au design très à propos. Techniquement en revanche, Grasshopper a toujours du mal. Lollipop Chainsaw aliase bien moins que Shadows of the Damned, mais au secours les nombreux et longs temps de chargement dissimulés derrière de jolis écrans parfois animés. Le déroulement du jeu en devient haché, mais c’est aussi à cause de cette manière qu’a Grasshopper de nous indiquer la prochaine marche à emprunter, à renforts de grosses flèches et de mouvements de caméras incessants. Du script à outrance auquel viennent s’ajouter des QTE peut-être trop présents eux aussi.

La finition est, de même, à la peine. L’écran-titre met environ trois secondes à comprendre que l’on vient d’appuyer sur Start, et il faut donner un coup de stick gauche après avoir démoli une porte pour que Juliet daigne avancer. On louera en tout cas l’heureuse facilité d’accès aux soins (une pression sur n’importe quelle direction de la croix directionnelle). Ajoutons que les boss sont d’une qualité inégale (celui du vaisseau volant par exemple, triple bof). Pareil constat peut être dressé pour la bande-son, selon que l’on soit plus funk que rock et inversement. Mais globalement, l’ambiance teenagers est très sympa. Et là, je vous achève en vous annonçant que le jeu se termine en moins de sept heures.

Bizarrement, ça déçoit moins que pour Shadows of the Damned, peut-être car le scénario est bien construit et ne souffre pas de longueurs. Et la carotte de la collectionnite en incitera certains à rester plus longtemps en compagnie de Juliet et sa folle famille, ne serait-ce que pour rentabiliser l’achat du jeu. J’en profite pour souligner la très belle qualité de l’écriture, qui se vérifie en particulier dans les dialogues souvent drôles entre Juliet et Nick, la tête (tiens ?) qui passe son temps à se cogner contre les fesses généreuses de sa compagne, quand elle ne lui vient pas en aide grâce à une roulette d’actions spéciales. Ultime point de déception, la localisation française s’autorise à certains endroits à jouer d’une malheureuse censure, à l’image de Mary-Kate et Ashley Olsen qui deviennent « les jumelles » lors d’une tirade qui en devient quasiment incompréhensible. Exit également la référence au Commodore 64 dans le niveau jeu vidéo. Les sous-titres restent cependant crus, même si l’on ne peut s’empêcher de se demander si la traduction nous prive souvent de répliques savoureuses.

Bien que Lollipop Chainsaw ne s’arrête pas totalement après son générique de fin, il se révèle bien trop court pour que nous vous recommandions de l’acheter au prix actuel généralement constaté. Ultra délirant, irrévérencieux, drôle, jouable et sexy, le titre de Suda 51 n’évolue cependant pas par rapport aux œuvres passées du bonhomme, qui n’étaient pas des modèles de jouabilité. Alors oui, on s’amuse, mais ça ne dure pas longtemps, et puis avec cette sensation pesante d’être maté en permanence et de se faire donner des consignes à tout bout de champ, pas possible de se lâcher comme on l’aurait souhaité. Et avec une femme telle que Juliet entre les mains, ce n’est vraiment pas lui faire honneur.