Gouttes d’eau qui tombent d’une fissure entre les rochers. Air froid et humide d’une grotte. » […] « Réserve de livres hermétiquement fermée. Poussière dans la lumière. »
« Frasil sur un lac à l’aube. »
« Mèche de cheveux d’un défunt formant une légère boucle. »
« Vieux velours passé qui a gardé sa douceur. »

Ces quelques indices, enregistrés sur une disquette, ponctuent le roman de Yoko Ogawa, et entraînent le lecteur dans un va-et-vient continu entre le Japon et la belle et fascinante Prague.

Le corps d’Hiroyuki a été retrouvé dans son atelier de parfumeur. Le jeune homme s’est suicidé. Rapidement, Ryoko, sa compagne, s’aperçoit qu’elle ignorait tout de celui qui partageait sa vie depuis un an. Elle part donc sur les traces de cet homme mystérieux qui semble avoir volontairement effacé un passé trop douloureux…
La présence perpétuelle des odeurs (Hiroyuki était un nez extrêmement doué) caractérise le récit et se mêle à la quête de la mémoire. « Source de mémoire », tel est le nom du parfum élaboré par Hiroyuki et offert à Ryoko précisément la veille du jour qu’il choisit pour se donner la mort. Ce parfum et son odeur accompagnent la jeune femme dans son voyage à la rencontre de l’homme qu’elle aimait.
C’est à Prague qu’intervient la dimension fantastique du roman, à travers la rencontre du gardien de paons, dans une mystérieuse grotte.
Plus terre à terre, l’omniprésence de la mère d’Hiroyuki, oppressante et frappée par une forme de folie, est sans doute l’une des clefs du roman…


Née à Okayama (Japon) en 1962, Yoko Ogawa est l’auteure de romans, nouvelles et essais traduits dans de nombreuses langues. En 1991, elle remporte le prix Akutagawa pour sa nouvelle (ou court roman) La grossesse.

En France, toute son œuvre est publiée chez Actes Sud et traduite par Rose-Marie Makino-Fayolle.


Tout en délicatesse, et à travers une écriture dépouillée, le récit de Yoko Ogawa aborde le thème du suicide de l’être aimé sans pathos. La douleur est là, évidemment, mais Ryoko choisit de faire son deuil à sa manière, en s’engageant dans cette sorte de pèlerinage sur les traces d’Hiroyuki.
Au fond, que savons-nous vraiment de ceux dont nous partageons le quotidien ? N’ignorons-nous pas quelques fois leurs inquiétudes les plus profondes ?
« Parfum de glace » fait partie de ces romans qui, une fois refermés, continuent d’habiter le lecteur. Est-on parvenu à tout décrypter ? Certains aspects ne nous ont-ils pas échappés ? Probablement, mais c’est, entre autres, ce « travail » de compréhension en aval de la lecture, qui donne tant de charme et d’intérêt au roman.

Traduit du japonais par Rose-Marie Makino-Fayolle – Éditions Actes Sud, collection Babel (prix conseillé : 8,50 €)

Marie Giudicelli