Nintendo – Wii – RPG mais pas que – Disponible depuis le 24 février en Europe.


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2h20 de jeu au compteur et me voilà déjà paré à vous faire part de mes impressions sur The Last Story. Prématuré pour un RPG que les critiques import avaient pourtant considéré court, bien trop court, et que je comptais parcourir sans penser à l’inéluctable (les crédits défilant devant mes yeux mouillés) ? Si cela peut vous rassurer, cette critique, dans un souci de relative complétion, sera nourrie par bien plus d’heures de jeu. Mais au bout de quelques chapitres achevés, plusieurs constats peuvent d’ores et déjà être établis.

Le premier est bien moche comme il faut, sans xénophobie aucune : les voix sont en anglais uniquement. Contrairement à nos suppositions passées et à la version PAL de Xenoblade, il n’est certainement pas possible pour le joueur de sélectionner le doublage japonais.

Dommage pour au moins deux raisons : petit un, la synchronisation labiale n’est effective que sur la mouture nippone (oui, bon) et petit deux, un effet de redondance pourra se faire ressentir pour les joueurs européens de Xenoblade Chronicles, qui apprécieront ainsi ou pas le travail (réussi toutefois) des mêmes comédiens vocaux venus de Grande-Bretagne. « Ok, c’est très bien tout ça, mais avant de poursuivre, peut-être pourrais-tu nous indiquer ce qu’est The Last Story, gros bêta ? » Mais j’y serais venu sans demander des insultes, voyons.

 

The Last Story est, grossièrement, un RPG. C’est-à-dire un jeu nous faisant diriger une équipe de héros combattant des méchants dans des combats aux dégâts chiffrés (je vous invite à noter cette définition quelque part, sait-on jamais, si la question est posée un jour à Money Drop). Un Final Fantasy-like donc, pour faire court (là aussi grossièrement). Conçu justement par l’homme ayant donné naissance à cette saga chère à Square Enix dont le treizième-virgule-deux épisode est récemment paru sur consoles HD.

Bizarrement, le jeu ne débute pas par une séquence cinématique d’introduction aux dix spoils par seconde, mais par un écran-titre. Certes simple pour l’œil fugace mais duveteux pour qui n’aura pas matraqué le bouton A de sa Wiimote pour accéder aux différents modes. Puis, on nous met aux commandes d’un groupe de mercenaires en pleine mission; groupe composé au passage de Zael, aspirant à devenir chevalier, Dagran, son mentor, Syrenne, rousse au caractère bien trempé (dans une bonne mousse ?), Mirania, douce et effacée magicienne, Yurick, magicien cynique, et Lowell, Don Juan à plein temps. Six membres donc (en ajoutant la princesse Calista) que vous retrouverez souvent réunis en combat, pour de joyeux capharnaüms où personne ne sera mis à l’écart (ou alors rarement et peu longtemps). Rien de mieux pour s’attacher à tout ce beau monde.

Les combats justement, venons-y tout de suite étant donné qu’ils représenteront votre principale activité dans The Last Story. A la différence des Final Fantasy traditionnels que M. Sakaguchi a chapeautés, les affrontements se font ici en temps réel, et s’avèrent diablement tactiques. Impossible de se la jouer Bruce Willis sans se prendre de sévères roustes (comprendre : faire cavalier seul vous mènera souvent devant les portes de la défaite). Il vous faudra nécessairement savoir utiliser à bon escient les capacités de vos coéquipiers pour remporter la victoire, et cet aspect du jeu renforcera indéniablement les liens qui se créeront rapidement entre ces braves gaillards et vous. Vous ne dirigerez que Zael la majeure partie du temps, mais obtiendrez assez vite la possibilité de donner des ordres à votre escouade. Que du bon donc pour les dictateurs en herbe que notre lectorat pourrait renfermer.

Dans la configuration de base, les coups d’épée sortent automatiquement dès qu’un ennemi est à votre portée. Mais il y aura bien un moment où vous en aurez marre que votre personnage attaque sans succès un gros boss dégoulinant de points de vie au lieu d’effectuer une roulade pour lui échapper, vous donnant éventuellement envie de passer en « manuel », le mode où l’on frappera moins fort qu’en « normal ». Pas si normal que ça, les plus paresseux seront donc avantagés. D’un autre côté, le mode manuel vous rendra bien service dans les cas de figure où un soigneur se dissimulera dans un groupe d’ennemis à abattre et que vous souhaiterez l’éliminer en premier. Parce qu’en configuration « normale », Zael ira cogner sur tous ceux se trouvant à proximité du soigneur mais pas forcément ce dernier en priorité. Moins pratique par contre, en mode manuel, la roulade s’enclenchera en imprimant une direction au stick et en appuyant sur le bas de la croix directionnelle. Un coup à prendre, comme on dit.

Rien de foncièrement original pour le moment, mais attendez voir. Zael acquiert très vite dans le jeu la compétence « Magnétisme » (ou « Gathering » en anglais), et d’elle dépendra l’issue de nombreux combats. En l’enclenchant à l’aide de C, vous attirerez automatiquement l’attention des ennemis proches de vous. Plusieurs avantages à cela : pour commencer, vous permettrez aux magiciens alliés de préparer et lancer leurs sorts en toute quiétude. Ensuite,  plus vous encaisserez de coups, et plus vous augmenterez vos chances de libérer une grosse riposte en appuyant de nouveau sur C. Et enfin, cet état vous autorisera à réveiller vos alliés tombés au combat (jusqu’à une certaine limite, celle de Zael est de cinq « réveils » par exemple). Les personnages gagneront aussi une attaque spéciale (une chacun) arrivés à un certain niveau, mais leur mise en scène n’aura rien d’extraordinaire. Au moins, elles ne traineront pas en longueur. Sobriété et efficacité pourraient d’ailleurs être leurs deuxième et troisième prénoms.

Zael disposera aussi de la faculté de disperser les sorts grâce à sa capacité « Rafale ». Ainsi, si Calista lance un sort de soin et que vous désirez que vos compagnons pas trop éloignés en bénéficient, lancez Rafale sur le cercle guérisseur et le tour sera joué. Cette attaque saura également montrer son utilité pour annuler les cercles de sort ennemis (pas tous, forcément). Ajoutez à cela des possibilités d’infiltration et vous obtenez au final un gameplay plutôt bien calibré et très dynamique. Là où, en revanche, les combats prendront la forme de véritables plaies, c’est bien devant les boss, loin de n’être que de la gnognotte. Le premier n’est qu’une formalité, tandis que les autres vous obligeront à barrer de multiples traits le terme « bourrin » de votre manuel d’approches en combat. L’araignée géante de la forêt par exemple sera tout bonnement impossible à battre si vous la laissez aspirer à elle vos compagnons à l’aide de son fil. Bref, au risque de me répéter, vous aurez tout intérêt à ne pas oublier les spécialités de chacun pour assurer l’arme au poing, et encore, ça ne vous sauvera pas toujours puisque vous n’aurez souvent pas le loisir de choisir vos accompagnateurs.

On attendait beaucoup de The Last Story, ne serait-ce que parce que la génération HD a été bien peu généreuse en RPG d’exception, et aussi car avant The Last Story, il y a eu le poignant Lost Odyssey, dirigé par le même Hironobu Sakaguchi. Autant que vous soyez mis au courant tout de suite, The Last Story ne dispose pas de la même force émotionnelle que Lost Odyssey, mais il partage avec lui cette faculté d’amener le joueur à se prendre sérieusement d’empathie pour les personnages du jeu. En osant même frapper un peu plus fort. Tenez, dans les toutes premières heures de The Last Story, un membre de votre équipe est sur le point de mourir, et alors que vous connaissez juste d’elle son amour immodéré pour l’alcool et son franc-parler, il vous sera difficile de regarder la scène sans grimacer de douleur (au moins intérieurement) pour la malheureuse.

Pour celles et ceux ayant tâté de près Xenoblade Chronicles, le parallèle est saisissant : les personnages de The Last Story apparaissent bien plus vivants, en plus d’être mieux réalisés autant dans le fond que dans la forme (le character design de Kimihiko Fujisaka est ici d’une grande justesse, même si cela se ressent davantage dans ses illustrations que dans le rendu 3D de ses créations, en particulier pour Calista). Vos compagnons n’hésiteront jamais à prendre la parole pendant leurs déplacements, et à s’en démunir (provisoirement) sitôt un combat engagé ou toute autre situation exigeant de se la fermer.

Ce soin apporté à l’attitude des personnages contraste malheureusement avec un scénario convenu dans ses grandes lignes. Après dix heures de jeu (eh oui, il s’en est passé des choses depuis le premier paragraphe de ce test), et peut-être même avant, vous vous apercevrez que rien ne surprend vraiment, mais aussi que rien ne transpire la niaiserie. Quelques passages pourront s’en rapprocher, et même dangereusement (le héros marqué par le souvenir de son village en flammes, le perso caché derrière un pilier donc indétectable par l’ennemi mais qui brandit sa grosse épée droit devant lui comme si de rien n’était), mais rien de rédhibitoire pour qui aura été navré par les scènes d’amour de FFXIII. L’intérêt principal de The Last Story réside avant tout dans l’aventure humaine d’une bande d’amis, au détriment d’un périple qui ne brille pas par sa singularité. Parce que la princesse qui souhaite quitter sa royale demeure pour aller voir du pays avec des malotrus qui ne pensent qu’à se battre, on avait déjà vu ça avec Final Fantasy IX.

Il y a donc assez peu de chances (ou risques si vous êtes un homme blindé de testostérone) que vous pleuriez sur une quelconque scène du jeu. C’est dommage, mais pas tant que ça si l’on considère que le propos de The Last Story n’est pas d’émouvoir aux larmes, mais de tirer suffisamment fort le bras du joueur pour que ce dernier finisse par considérer les personnages du jeu tels des amis. La classe de leur design et de leurs interventions fait d’ailleurs en sorte que l’on savoure facilement le déroulement de l’histoire, les à-côtés du jeu, chaque quête annexe aussi minime soit-elle. Parce que les bons mots entre Syrenne et Lowell sont savoureux, de même que les commentaires de la troupe sur une situation qui lui échappe, et on remerciera d’une courbette respectueuse Mistwalker d’avoir inclus nombre de dialogues dans les phases d’exploration, permettant ainsi au joueur de ne pas être interrompu dans son élan et au jeu de se voir allégé en séquences cinématiques.

Et sans ce sentiment de vie permanent, les combats n’auraient sans doute pas la même saveur (la quête annexe de la maison hantée est, à ce titre, un petit régal d’ambiance). Il va sans dire qu’avec des personnages aussi réussis, on espérait pouvoir faire des tonnes de choses en leur compagnie, ce qui n’est malheureusement pas le cas. La personnalisation de l’équipement est vraiment sympathique (en vous y prenant bien, vous pourrez même vous balader dans la ville de Lazulis en sous-vêtements et gâcher ainsi les cinématiques les plus fortes du jeu), mais finalement, dans un souci de performance, on gardera souvent les mêmes pièces sur soi, ces dernières étant upgradables jusqu’à un certain point. Vous pourrez néanmoins modifier à loisir leurs couleurs et même décider de celles qui seront visibles ou non (sans que cela ait une quelconque répercussion sur vos stats).

On parlait de quêtes annexes plus haut, elles ne sont malheureusement pas bien nombreuses. Mais elles ont aussi le bonheur d’avoir été incroyablement bien intégrées, au point que l’on se demande parfois, au terme de l’une d’entre elles, si l’on n’a tout simplement pas progressé dans l’histoire principale. On parlait aussi de la cité de Lazulis il y a quelques phrases, elle s’avèrera quasiment la seule bourgade que vous aurez l’occasion de visiter, d’arpenter. Sa construction, son architecture, ses habitants, ses ruelles où la musique s’arrête pour reprendre sur les grand-places, tout cela est charmant. Mais on regrettera le faible nombre d’interactions mises à notre disposition. On peut bousculer les passants ? Les malappris seront aux anges, sauf qu’on ne se mettra jamais à votre poursuite pour vous rendre la monnaie de votre pièce, ce qui aurait été appréciable après tout, ne serait-ce que pour s’y croire un peu plus (il faudra juste se contenter d’une remontrance plus ou moins appuyée, mince).

Les mini-jeux manquent aussi cruellement à l’appel, le comble pour un titre faisant penser à The Legend of Zelda : Ocarina of Time dès que l’on pénètre dans le quartier bruyant du marché (les Zelda sont connus pour proposer des petits jeux sympas, non, je ne vous apprends rien). Il y a bien l’Arène pour passer le temps et se détresser les muscles (la difficulté des combats augmentera d’un cran après chaque participation gagnante), mais ce sera à peu près tout, outre les petites missions habituelles que des quidams fainéants et incompétents vous confieront.

Si je peste autant sur la relative indigence du contenu, c’est parce qu’effectivement, The Last Story est assez court. Excellemment raconté, même si pas bien étonnant, mais se bouclant entre vingt et trente heures. Certes, la qualité du voyage devrait primer sur sa durée, et nous devrions peut-être réfréner ce désir d’exhaustivité pour nous contenter de ce que nous avons entre les mains. Mais ces personnages que nous avons tant loué, que nous avons appris à tant apprécier, eh bien, nous aurions aimé vivre encore plus avec eux. Il est regrettable qu’au contraire de Solatorobo (attention, spoiler en approche !), le jeu ne propose pas une seconde partie après le générique de fin. Dans ces conditions, nous signerions sans problème des deux mains pour un The Last Story 2 plus complet.

Ajoutons que The Last Story n’est pas très porté sur le level up, un choix qui ne dérange absolument pas… sauf peut-être une fois que la fin du jeu gratte à la porte. Il est toujours agréable dans un RPG, juste avant que l’aventure ne se ferme, de booster à fond ses personnages en retournant dans des endroits déjà visités et peuplés de monstres aux tendances morbides. L’originalité de The Last Story qui plombe un peu cette volonté de prolonger le plaisir, c’est qu’en rejouant les précédents donjons, on ne gagnera pas d’expérience, juste des objets rares qui aideront à confectionner des armes et protections toujours plus efficaces. Mais sans boss surpuissant caché à affronter, à quoi bon ? Notez que seule l’Arène (à partir de la saison 2) permettra de monter de niveau sans passer par la trame principale, laquelle vous fera tout de même passer par certaines salles où les ennemis réapparaîtront autant de fois que vous le souhaiterez.

Reste le mode multijoueur que j’ai failli oublier. Vous pourrez vous y fritter jusqu’à six joueurs, chacun pour sa pomme ou bien en coopération. Les bonus remportés seront parfois très intéressants car impossibles à récupérer autrement. Bon, je peux finalement bien vous l’avouer, sans trop m’attarder sur le sujet toutefois pour vous laisser découvrir le reste par vous-mêmes, si vous recommencez le jeu avec votre dernière sauvegarde, vous conserverez vos niveaux et objets acquis et vivrez un nouveau challenge… La replay value est par conséquent bel et bien présente et nous fait dire que The Last Story est destiné à être parcouru une seconde fois. Ça ne gomme pas les manques que nous lui attribuons, mais cette ultime attention nous certifie l’envie de bien faire de Mistwalker.

Il était impensable de conclure cette critique sans aborder la question de la réalisation graphique, car figurez-vous que depuis tout à l’heure, je ne vous parle pas d’un Sound Novel. Techniquement, The Last Story n’assure pas tant que ça, en témoignent ses nombreux ralentissements prouvant eux-mêmes le degré d’ambition de Mistwalker lors du développement du jeu. Il arrive bien souvent que beaucoup de personnages soient affichés à l’écran, et c’est le frame-rate qui en fait les frais, sans toutefois porter un grand préjudice à vos parties (et puis il en faut parfois « peu » pour que le jeu rame, soyons francs).

Au niveau des teintes utilisées, on reconnaîtra sans problème à The Last Story d’être moins coloré et heureux de vivre que Xenoblade Chronicles, mais le rendu visuel se veut de toute façon plus réaliste, avec des effets de flou empêchant le joueur de pinailler sur tel ou tel détail puisque les développeurs ont dirigé leurs efforts dans la considération d’un tout. L’ensemble se veut ainsi très agréable à regarder, surtout en fin d’après-midi (mais les moments de la journée vous sont, comme qui dirait, imposés). Les extérieurs du château de Lazulis jouissent par ailleurs d’éclairages que ne renierait définitivement pas un certain ICO.

En ce qui concerne le domaine musical, les mélopées de M. Nobuo Uematsu se fondent toujours impeccablement dans les lieux et situations présentés, sans jamais vraiment leur voler la vedette (malgré le fait que l’excellent thème de combat et celui, non moins grandiose, de la ville de Lazulis soient très souvent joués).

Pour l’anecdote, si les compositions du célèbre moustachu vous semblent éloignées de ses travaux passés, sachez que cela n’est dû qu’à la volonté de Hironobu Sakaguchi (directeur de The Last Story) qui voulait conférer à son soft une ambiance sonore mélangeant des inspirations vidéoludiques et cinématographiques. Une orientation qui a d’ailleurs failli faire capituler notre cher Nobuo après s’être vu refusé une première sélection de musiques, jugées trop semblables à ses précédentes compositions. Ça arrive même aux meilleurs.

 

Il est facile de descendre en flèche The Last Story face à un Xenoblade Chronicles au contenu bien plus fourni. Et laissez-moi vous dire que ceux qui s’adonnent à cette pratique sont des méchants. Il est vrai que The Last Story, c’est une histoire relativement en retrait, des cinématiques que l’on peut accélérer mais pas passer, des choix forcés, et une durée de vie surprenante pour un titre appartenant, du moins en partie, au genre RPG. Mais The Last Story, c’est aussi pas mal de bons moments passés en compagnie d’une bande de potes vraiment attachants, des combats prenants et tactiques, une narration impeccable, des musiques à propos, et une âme, aussi. The Last Story ne s’affirme ni ne se prétend une révolution. Il se contente « simplement » de créer des attaches entre vous et un univers virtuel limité mais puissant. Un peu comme si vous aviez prévu un sympathique séjour à la montagne avec des amis mais qu’une avalanche vous avait obligés à grelotter trois jours et trois nuits durant dans une grotte. Vous auriez évidemment espéré mieux, mais garderez en souvenir et avec un sourire dans la tête les contacts et échanges noués durant cette épreuve, qui vaut bien, en fin de compte, tous les tire-fesses du monde.