Crispy’s! – PS3 (téléchargement uniquement, 12,99€, 4,3 Go) – Disponible depuis le 26 septembre 2012 en France

Alors que je venais juste de parvenir à rassembler une partie de mes neurones pour m’aider à rédiger une intro rigolote, pas trop longue et suffisamment motivante pour vous faire lire le pavé qui va suivre, voilà que me vint l’idée de présenter Tokyo Jungle comme suit : « vous avez toujours rêvé d’entrer dans la peau d’un chien, d’un chat, d’un poussin, d’un cochon, d’une hyène ou, voyons grand, d’une vache ? Mieux encore, vous vous êtes toujours demandés quel pouvait être le goût d’une antilope, d’un porc-épic ou encore, d’un zèbre ? Tokyo Jungle vous ouvre les portes de son zoo, mais ne soyez pas étonnés de vous y retrouver seuls. Les résidents habituels de l’endroit ont en effet été lâchés dans la ville de Tokyo, où il vous faudra vous rendre quel que soit votre manteau pour établir votre loi tout en diversifiant votre culture culinaire. » C’est qu’ils ont de l’avenir mes neurones.

Tokyo Jungle me fait un peu penser à ce qu’aurait pu être un croisement entre Nintendogs et Pokémon si le comité de modération de Nintendo s’était crevé les yeux juste avant le passage du jeu entre ses mains. Parce que d’animaux canins, il en est question dans Tokyo Jungle (à l’instar du bien nommé Nintendogs). Mais pas que. Et tout comme dans Pokémon, on y fait s’affronter des bébêtes contre d’autres bébêtes, mais qui elles, ne méritent pas de vivre, forcément. Pour ne pas vous perdre si tôt, plaçons le décor : nous nous trouvons dans un futur apocalyptique (ou salvateur) dans lequel l’être humain a complètement disparu de la surface du globe terrestre. Mais, dans sa grande bonté éternelle, et sans doute pour éviter de trop s’ennuyer le dimanche, Dieu a choisi de laisser en vie le genre animal.

Les créatures ayant été domestiquées par l’Homme se retrouvent donc livrées à elles-mêmes, des proies de prime abord faciles pour les animaux sauvages comme les hyènes et les crocodiles qui peuvent maintenant prétendre à un rang de choix sur Terre. Que vous choisissiez un camp ou l’autre, le but du jeu sera de survivre le plus longtemps possible à l’enfer dans lequel est plongée la ville de Tokyo. Échapper à ses prédateurs sera évidemment une priorité, mais il vous faudra également composer avec les pluies acides, les sécheresses et autres séquences de nuit où vous ne verrez pas plus loin que le bout de votre truffe humide. Partagé entre deux modes, Survie et Histoire, dont le dernier apparaît comme le plus facile puisque découpé en missions ayant un début et une fin (nous en reparlerons plus longuement tout à l’heure), Tokyo Jungle se présente via une introduction toute triste en images fixes puis vous plonge directement dans l’action. Le loulou de Poméranie (prédateur) et le cerf sika (herbivore) seront les deux seuls animaux que vous pourrez incarner au début du jeu, sauf si les sirènes du DLC retentissent suffisamment fort à vos oreilles pour vous contraindre à acheter (avec de l’argent bien réel) des bestioles supplémentaires. Toutefois, comme le piou-piou peut être débloqué dans le jeu en débusquant le… chef poussin et que j’ai hâte de le faire survivre au moins quelques minutes, optons pour Loulou et partons tout de suite à la découverte du mode Survie.

Il faut savoir que le mode Histoire n’est pas accessible d’entrée de jeu, et que pour pouvoir vivre ses différents chapitres, il sera nécessaire de récupérer des Archives au cours de votre opération commando dans le mode Survie (trois fichiers suffisent à débloquer une mission). Bon, ce n’est pas tout ça, mais mon Loulou a beau être mignon, il va lui falloir montrer les dents. Car vous ne l’imaginez quand même pas aspirer à une longue lignée sans envisager de se repaître de quelques espèces ennemies durant son périple. Et c’est un fait, le jeu est violent, en particulier quand on dirige un prédateur (ou un carnivore si vous préférez). Si mon Loulou rencontre un lapin, un mouton ou un poussin, quelques coups de griffe bien placés et hop, le repas (froid) est servi ! Ce genre d’action est indispensable non seulement pour remplir la jauge de Faim (vidée, votre barre de Vie se mettra elle aussi à chuter en direction du Game Over), mais elle vous rapportera également de l’expérience. D’abord Amateur, vous passerez ensuite à Vétéran pour enfin acquérir le titre de Chef. Pour quel usage ? Eh bien, selon votre rang, certaines femelles (ou mâles selon l’animal choisi) pourront refuser de vous suivre en vue d’un accouplement sur un lit de paille. Si vous en attirez une du genre désespérée, elle vous refilera des puces et votre portée sera minime. En revanche, copuler avec une femelle de premier choix a de fortes chances d’aboutir à ce que cette dernière vous donne quatre ou cinq enfants, lesquels acquerront d’ailleurs certaines caractéristiques de leurs parents. Mais pour avoir cette chance de choisir l’élue de votre cœur, il vous faudra d’abord marquer votre territoire en allant renifler quatre emplacements disséminés dans chaque zone. Je ne vous dirai pas que c’est tout le temps facile.

Normalement, cette scène n’apparaît pas dans le jeu. Alors pourquoi vous la montrer ? Eh bien c’est très simple. Euh, zzzz…

Cette aventure serait une véritable promenade de santé 3+ si le risque de rencontrer des animaux féroces et dangereux pour votre intégrité physique n’était pas odieusement présent. Rester immobile dans les herbes en attendant qu’une panthère veuille bien vous tourner le dos pour vous permettre d’avancer, courir à toute allure lorsque votre antilope aura eu le malheur d’approcher d’un peu trop près une nuée de chats sauvages, Tokyo Jungle a des airs de Metal Gear Solid par moments. Même le décompte d’alerte (Danger/Prudence) est présent ! Et si votre proie ne vous a pas encore repéré alors que vous progressez lentement vers elle, attendez qu’un cercle rouge vif se dessine autour de votre cible pour appuyer sur R1 et ainsi réaliser un « Carnage » qui lui ôtera la vie d’un coup (ou la chatouillera s’il s’agit d’un hippopotame). Dommage cependant que l’on ne puisse pas jeter des coups d’œil sur la gauche ou la droite pour savoir si le radar indique la présence proche (hors champ évidemment) d’un Golden Retriever ou d’un raptor. Non parce que ce n’est pas pareil. Sachez aussi que le passage à la génération suivante sera obligatoire si vous désirez que la partie se poursuive, car votre animal gagnera de l’âge au fil du temps et décèdera si son célibat dure trop longtemps. Les petits que vous ferez représenteront en quelque sorte vos vies, ce sont même eux que vous dirigerez dès leur naissance.

Joueurs et joueuses occasionnels, vous risquez de trouver Tokyo Jungle plus coriace que ce qu’une adorable partie de son casting laissait paraître. Si vous arrivez à faire survivre votre animal vingt années durant, il s’agit d’une performance en soi et vous pourrez légitimement être félicités pour cela, mais la durée de vie du jeu est virtuellement infinie car tant que vous saurez vous reproduire relativement souvent en mettant à l’amende vos voisins à poils, à plumes ou à écailles, qu’ils soient minuscules ou trois fois plus gros que vous, le jeu ne vous stoppera pas. Mais ça, c’est l’objectif que tenteront de remplir les joueurs confirmés de Tokyo Jungle. En premier lieu, on choisira plutôt de débloquer tous les animaux jouables (une cinquantaine de mémoire), quitte à se forcer à jouer avec un herbivore lainé pour voir s’il peut aider à nous faire gagner un nouveau bestiau. Et je peux vous garantir que vous en aurez pour un bon paquet d’heures.

Et devinez quoi ? Ça marche, l’addiction est au rendez-vous, et je dis ça comme si l’addiction était le St-Graal que vise à obtenir tout jeu vidéo. Parfois, on ne se souciera pas des Défis à remplir en préférant plutôt aller récupérer des Archives, car le mode Histoire est de plus en plus fou (dans le bon sens) au fur et à mesure que l’on y progresse. Ah oui, les Défis, on vous les fera connaître généralement tous les dix ans et il s’agira ici d’accomplir certains objectifs en temps limité (manger 5 herbes, changer 2 fois de génération…), avec des récompenses parfois un peu débiles au bout. Ah oui, le mode Histoire, qui s’occupe de scénariser des accouplements, ou des combats contre des singes. Pour le plaisir de refaire une comparaison avec MGS, on pourrait considérer que le mode Histoire de Tokyo Jungle représente un peu le V.R. Training de Metal Gear Solid. Parce que les situations vous sont imposées, qu’il n’y aura pas trente-six façons de s’en sortir à chaque fois et qu’aborder de nouveau le mode Survie après avoir complété celui-ci devrait vous garantir des parties plus longues, de même qu’un œil plus vif. A titre d’exemple, dans l’une de ces missions, on jouera le rôle d’un faon à la recherche de sa maman qui, si ça se trouve, a fait office d’encas pour un raptor. Attendrissant et divertissant.

Mais revenons à mes impressions. Les parties se succédant, donc, on affine logiquement sa manière de jouer, rendez-vous compte. Par exemple, en jouant successivement les prédateurs et les herbivores, vous vous apercevrez qu’il est plus facile de monter de niveau lorsqu’on broute de la verdure, les champignons (pas trop trop rares) vous faisant gagner pas mal d’XP d’un coup. Mais ces raccourcis, chez les prédateurs, prendront la forme de prises de risque souvent suicidaires, car l’expérience en masse, il faudra aller la chercher auprès de grosses brutes lors de combats déséquilibrés. Par conséquent, choisir les carnivores ne signifiera pas pour autant s’aventurer sur la voie de la facilité (d’un autre côté, pour l’avoir testé, jouer avec le poussin est synonyme d’un enclenchement de la difficulté hardcore). Sachez aussi que s’il est possible de tuer un Beagle avec un cochon, celui-ci ne pourra pas se sustenter de sa proie. En règle générale, les animaux de même race ne se mangent pas. C’est dit.

En faisant de nos amis les animaux (et nos ennemis les tout pas beaux, cc le tigre à dent de scie) des héros de jeu vidéo à part entière, Tokyo Jungle développe chez le joueur, qu’il possède une bébête de compagnie ou non, une empathie latente pour ce gibier dans le besoin avec des comportements crédibles et une foule de situations différentes à gérer. Gorgé de subtilités, délirant sans oublier d’être un minimum cohérent et intelligent, la création de Crispy’s ne déçoit finalement que par son mode multijoueur presque anecdotique et ses musiques moyennement convaincantes. Et l’accord lourdingue du SEN à accepter à chaque lancement du jeu. Mais si je vous dit en plus qu’un effort a été consenti au niveau du prix (12,99€ au lieu des 40€ pratiqués au Japon), il y a lieu d’espérer que vous vous y intéressiez de plus près. L’essayer, c’est quasiment l’adopter.